Professeur Jean-luc Mandaba

Le Professeur Jean-Luc MANDABA
(1943 - 2000)

Article sur Wikipedia: http://en.wikipedia.org/wiki/Jean-Luc_Mandaba

J'ai écrit ce texte à partir du curriculum vitae de mon père et du discours officiel prononcé lors de la cérémonie des obsèques qui ont donné lieu à une journée de deuil national. Certaines parties de ce résumé demanderaient à être développées, certaines autres ont été oubliées ou passées sous silence pour dans un but de concision.

            Né le 15 août 1943 à Bangui de KPAMON Jean et de INGUISSA Véronique, Jean-Luc MANDABA a fait ses études primaires à Bangui. Après son certificat d'études primaires, c'est le petit séminaire St Marcel de Sibut qui l'accueillit pour ses études secondaires qu'il poursuivra au séminaire de Fort Archambault (Tchad) et au collège Emile Gentil de Bangui.
A la fin du cycle secondaire, il entama des études supérieures à la fondation pour l'enseignement supérieur en Afrique centrale (FESAC) à Brazzaville où il obtiendra le diplôme d'Etat (Français) d'infirmier en 1963, année de son intégration dans la Fonction Publique Centrafricaine, et le diplôme d'Etat d'Inspecteur d'Hygiène Sanitaire en 1965.
            De retour de Brazzaville il accomplit son service militaire de 1965 à 1966 avant de poursuivre ses études médicales à la faculté mixte de Médecine et de Pharmacie de Nantes et à la faculté de Médecine de Rennes (France) où il obtiendra le diplôme de Docteur en Médecine en 1972. Il se spécialise ensuite en chirurgie et obtient le diplôme de chirurgie générale de l'Université de Paris VI en 1976.

Pendant sa formation, il a exercé les fonctions hospitalières suivantes :

- Interne en chirurgie successivement à l'hôpital de Vitré, à l'hôpital de Guingamp et à l'hôpital de Pontoise de 1969 à 1972.
- Résident en chirurgie générale à 1 'hôpital départemental de la Maison de Nanterre de 1972 à 1974.
- Résident puis attaché en chirurgie générale à l'hôpital de Pontoise de 1972 à 1979.
- Résident puis attaché en chirurgie pédiatrique à 1'hôpital Bretonneau de Paris de 1972 à 1979.
- Assistant à la Faculté de Médecine Xavier Bichat (Paris VII) en 1976.

Spécialité et agrégation :
- Jean-Luc MANDABA s'est aussi spécialisé dans l'évaluation du dommage corporel à l’Institut de Médecine légale de Paris.
- Il passera le concours d'Agrégation de chirurgie infantile à Paris en 1979.

 

            Après l'agrégation, il retourne dans son pays, et crée le service de Chirurgie infantile au centre National Hospitalier Universitaire de Bangui, service qu'il dirigera jusqu'à son décès le 22 Octobre. Il pratiquera même une intervention chirurgicale quelques heures avant sa mort.

            Au plan académique, il est professeur titulaire de chirurgie pédiatrique depuis 1983.
Non seulement Jean-Luc MANDABA assura la formation de nombreux étudiants de la faculté des Sciences de la Santé de Bangui, mais il apporta aussi son précieux concours dans celle des étudiants de la région africaine à l'occasion des missions d'enseignement notamment à Abidjan (Côte d'Ivoire). Il dirigea de nombreuses thèses de doctorat en Médecine. On compte également à son actif de nombreuses publications scientifiques.
           
            Sa qualification et son expérience lui ont valu la nomination aux postes administratifs suivants :
- Chef de département de la formation post-universitaire en 1982
- Chef de Service de la clinique universitaire de chirurgie et de gynécologie obstétrique au centre national hospitalier universitaire de Bangui en 1986.

 

 Le Professeur Jean-Luc MANDABA est membre des sociétés savantes suivantes :
- Membre titulaire de l’Amicale Internationale de Chirurgie de la main.
- Membre titulaire de la Société française de Chirurgie Infantile.
- L'estime de ses collègues lui a valu d'être élu à plusieurs reprises membre du bureau du Conseil National de l'Ordre des Médecins, Chirurgiens-dentistes et Pharmaciens Centrafricains.

 

Le Pr. Jean-Luc MANDABA a aussi assumé les fonctions suivantes :
- Expert auprès des Tribunaux.
- Professeur de Médecine Légale à l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature de Bangui.
- Médecin Conseil de l'Office Centrafricain de Sécurité Sociale.

 

            En marge de cette riche carrière professionnelle, il s’était fortement impliqué dans les activités sportives en Centrafrique. Son amour du sport dès sa jeunesse qui l’a conduit à défendre les couleurs de l'Oubangui-Chari aux Jeux Scolaires et Universitaires de Brazzaville dans le lancer du javelot.
C'est ainsi qu'il a été successivement :
- Président actif puis d'honneur de la Fédération Centrafricaine d’athlétisme de 1980 à 1998.
- Vice Président du Comité National Olympique et Sportif Centrafricain (CNOSCA).
- Président actif puis d'honneur du club de football Stade Centrafricain (SCAF)
- Président du club de basket-ball « les abeilles » de Boy Rabe à Bangui.
- Président de la Commission Médicale du Comité National et Sportif Centrafricain (CNOSCA).

Au niveau sportif international :
- Médecin et membre de la commission antidopage du Comité International Olympique (CIO).
- Le Pr Jean-Luc MANDABA a fait partie de la délégation centrafricaine aux jeux olympiques de Séoul en 1988 et d'Atlanta en 1996.

Il affectionnait aussi le domaine de la culture puisqu'il a été le Président Fondateur du Groupe de danse folklorique les « Abeilles » de Boy-Rabe à Bangui.

 

Le couronnement de la carrière de Jean-Luc MANDABA reste cependant les hautes fonctions politiques qu'il a assumées et par lesquelles il est davantage connu au plan national :
- De 1980 à 1981, il fut Ministre de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales ;
- De 1993 à 1995, il fut Premier Ministre du Gouvernement de Changement.
- Depuis 1995, il était Président du Conseil d'Administration de la Société de Gestion des Sucreries Centrafricaines (SOGESCA).

 

A côté des fonctions politiques, Jean-Luc MANDABA a aussi occupé d'importantes fonctions dans des organisations non gouvernementales, associatives, humanitaires et caritatives :
- Président Fondateur de l'ONG « SOS Santé » qu'il a fondé en 1992
- Depuis 1997, Président du Rotary Club de Bangui.
- Depuis 1998, il était membre du Comité Exécutif de l'OMS (Genève).

 

Pour tous les éminents services qu'il a rendus dans le monde et en RCA, le Pr Jean-Luc MANDABA a été honoré de son vivant de plusieurs distinctions :
- Grand Officier dans l'Ordre du Mérite Centrafricain ;
- Médaille d'Or du Mérite Sportif ;
- Trophée de la reconnaissance du Comité international Olympique (CIO)
- Citoyen d'honneur de la ville de Cergy-Pontoise (France).
- Prix Amnesty International.

COMMENTAIRES:

 Il fût premier ministre du président Ange Félix Patassé qu'il aida à accéder au pouvoir en 1993 en expulsant l'ex-dictateur André Kolingba, et ce avec notamment l'aide de ses alliés en France (car rien ne se passe à ce niveau en Centrafrique sans consultation de la France, du moins à cette époque).
Mais il fût bien mal rétribué pour ses services et disparu soudainement lorsqu'il décida de se présenter en tant que candidat indépendant aux prochaines élections présidentielles. Ce que certain appellent une tentative the push n'est en réalité que la volonté de faire soit même ce que d'autres étaient censés faire.
Déçu par le président Patassé, il avait choisi de ne compter que sur lui même. Il succomba d'un "arrêt cardiaque" (c'est généralement le cas lorsque l'on meurt) quelques heures après un diner commémoratif du parti MLPC et pour le second mandat du président. Son fils (mon frère) Hervé Mandaba décéda 2 semaines plus tard, alors que toute la famille était réunie pour les obsèques nationales de feu mon père. Hervé disait à qui voulait l'entendre qu'il trouverait les coupables et qu'il en savait long sur les dernières activités de son père.

Les échantillons d'autopsie furent contaminés avant même l'arrivée de sa femme et de ces enfants depuis la France. Nous trouvâmes les échantillons destinés au centre médico-légal de Paris dans notre frigidaire alors que le directeur de l'Institut Pasteur de Bangui refusait des les prendre en charge et de les mettre dans le premier avion pour la France.
Ils furent tout de même envoyés en France où ils furent déclarés inutilisables car "contaminés". De plus, ces échantillons n'ont pas suivis la voie légale (normale) d'acheminement. Ironie du sort alors que professeur Mandaba était lui-même Médecin Expert (legiste) auprès des tribunaux de Bangui.

Une chose est sûre, c'est que la soit disant enquête du président Patassé n'a pas été très poussée puisque que la police n'a même jamais demandé à voir son téléphone portable par exemple, ni cherché à refaire cette autopsie non concluante. En tout cas les médecins et pharmaciens ayant participé à l'autopsie témoignent de signes d'empoisonnement, mais il aurait aussi pu s'agir d'une crise cardiaque. Ensuite les échantillons furent contaminés et même le nombre d'éprouvettes entre l'autopsie et le formulaire de prise en charge à bord de l'avion pour la France sont différents, ce qui indique la disparition d'une partie des échantillons après l'autopsie.

En conclusion Jean-Luc Mandaba a été trahi par Patassé au niveau de ses convictions et de son engagement politique. Et il ne fût pas le seul à disparaître dans des conditions douteuses à cette époque là. Du côté de la France il s'était plus ou moins porté garant pour l'accession du président Patassé au pouvoir en acceptant d'être le premier ministre du premier gouvernement.
Son décès fît l'objet d'obsèques nationales car il était très aimé du peuple centrafricain, mais la nouvelle et son caractère suspicieux furent passés sous silence dans la presse internationale.
Pourtant des personnes avec son curiculum et son envergure, il n'y en a pas beaucoup dans ce pays.
Probablement que cela n'arrangeait personne de rendre publique son décès; ni ses anciens amis dans le parti, ni ses alliés en France bien déçus par la prestation du Président en fin de compte.

Et voilà comment disparaît la génération instruite des Africains ayant bénéficié d'études poussées grâce aux missions catholiques Française pendant la colonisation. Ces 20 dernières années furent pleines d'instabilité et des "années blanches" successives ont embolisé toute une génération qui n'ira jamais faire d'études brillantes en Europe car on n’entre pas en classe préparatoire avec 2 ou 3 ans de retard. Que ce soit dû aux grêves des étudiants, des enseignts, ou à une situation proche de la guerre civile, les universités et grandes écoles ont leur critères et n'en ont que faire.


Ce pays ne prend pas grand soin de ses élites, et la France ne prend pas grand soin de ses alliés en Afrique.
Jean-Luc Mandaba était un érudit de la langue française, il parlait même un peu de Breton, et son niveau intellectuel dépassait de beaucoup la moyenne des hommes politiques centrafricains